L'ULTIME PRÉTENDANTE
Chercher le chaos en soi pour accoucher d'une étoile dansante 2021“ 1759, quelque part dans le Massif Central. ”
Les 2 prochaines dates
vendredi 29 janvierCour des Trois Coquins (63000)
vendredi 29 janvierCour des Trois Coquins (63000)
samedi 30 janvierCour des Trois Coquins (63000)
dimanche 31 janvierCour des Trois Coquins (63000)
vendredi 18 novembreCondat-en-Feniers (15190)
jeudi 23 févrierSalle Animatis / Issoire (63600)
mercredi 13 marsLA COUR DES 3 COQUINS (63000)
jeudi 14 marsLA COUR DES 3 COQUINS (63000)
vendredi 15 marsLA COUR DES 3 COQUINS (63000)
samedi 16 marsLA COUR DES 3 COQUINS (63000)
voir toutes les dates1759 : Sylvia, jeune « actrice du pays », apprend que la Troupe Romainville, ambitionne d’inaugurer, à Clermont, le tout premier théâtre permanent du Massif. Elle décide de forcer le destin à l’occasion d’une « représentation en visite » près de son village, se présentant spontanément, dans l’espoir que le fameux Romainville et son fidèle bras gauche Beaumesnil acceptent de la « soumettre à l’épreuve »… Avec au bout de l’audition, l’accouchement d’une vocation et la force vivifiante d’une transmission accomplie.
1759, quelque part dans le Massif central.
2021, quelque part dans mon Lascif ventral.
1759, une troupe à privilèges ; capo comique : Romainville.
2021, une compagnie conventionnée ; directeur : moi-même.
1759-2021 : ma petite histoire rencontre la grande.
Au moment de tirer le « Bilan & perspectives » de mes trente-cinq années de pratique passionnée, je m’interroge au plateau sur les traces que je laisserai sur mon territoire choisi et tant aimé; sur mon long apprentissage « du chaos qu’il faut porter en soi pour accoucher d’une étoile dansante »; sur ma quête perpétuelle de la sincérité. Un Bilan, une Révérence de théâtreux – intime – qui prend la forme d’une fiction théâtrale – universelle – comme il se doit !
Dominique Touzé
NOS TROIS (ANTI)HÉROS
SYLVIA (personnage de fiction) est une « enfant de la balle », fille bâtarde d’une certaine Marianne, actrice auvergnate qui aurait été l’amante-initiatrice du jeune Marivaux, quand il résidait encore avec son père, à Riom « qui jouxte Clermont ».
Louis ROMAINVILLE (personnage réel 1725-1781) a effectivement dirigé la première Comédie de Clermont dès son ouverture en 1759. Il y a connu quelques Splendeurs… et surtout beaucoup de Misères !… avant de triompher pendant les 25 dernières années de sa vie sur la scène mythique du Grand Théâtre de Bordeaux.
Pierre BEAUMESNIL (personnage réel 1718-1787) fut l’archétype du « comédien de Campagne en quête de Gloires et Profits ». Il a arpenté ses « routes de la Comédie » pendant 40 ans, en consignant méticuleusement chaque étape dans un étonnant carnet de bord. Grâce à ce témoignage exceptionnel, on a la certitude que quelques troupes, ne craignaient pas de s’aventurer dans le Massif central bien avant la Révolution Française, cheminant d’Albi à Aubusson, d’Aurillac à Brive, de Figeac à Guéret, du Vigan à Lodève, de Montluçon à Tulle, de Villefranche de Rouergue à Marvejols…
Création à la Maison de la Culture – Clermont-Fd du 16 au 20 décembre 2021.
Le Point de vue du chroniqueur ROLAND DUCLOS
Mais où veulent en venir Touzé et ses coreligionnaires ? A quoi peuvent-ils bien jouer avec leur « Ultime Prétendante » ? D’abord cette créature est-elle bien leur ? Les ou laquelle possède l’autre ? De qui peuvent-ils bien se moquer respectivement ? De nous, des autres, de lui ? Si la belle Sylvia incarnée (oh ! combien !) par Fanny Caron échappe heureusement à son Pygmalion, la morale est-elle pour autant sauve (qui peut) au risque de l’amoral ? Le comédien et co-metteur en scène avec Emmanuel Chanal s’appartient-il dans son double, triple, voire quadruple jeu qu’il décline en virtuose du verbe avec un plaisir matois et une fausse ingénuité consommée en autant de JE capital et de jeux capiteux ?
D’un prétexte qui pourrait paraître anecdotique – « une comédie des comédiens » – inspirée par la pièce « Les éloquents » d’Alain Paris, Touzé et sa bande nous tiennent en haleine deux bonnes heures sans que l’on sache bien où ils nous conduisent de prime abord jusqu’au dénouement qui ne résout rien en dépit des apparences.
Touzé multiplie les entrées, objectives ou supposées, brouille les pistes, sème le doute et finit imperturbable par retomber sur sa déroutante logique. En toute (in)conscience ? Ne redoutons pas le pire : il ne saurait être décevant ! Sous des dehors paternes l’animal est malin. Bête de scène mais pas seulement. Tantôt fauve, grandiose de faconde et l’instant d’après métamorphosé en bourrique absolue, en bateleur retors. Il cumule, compile sans vergogne tous ces pires défauts qui en font un comédien inspiré : gouailleur, menteur, tricheur, héroïque d’égoïsme, condottiere impénitent. Bref un authentique tragédien sans foi autre que la sienne, ni loi autre que le théâtre. Il y a d’ailleurs du théâtre forain là-dedans, mêlé de tragédie à l’antique, de la pantomime avec un zest de commedia dell’arte. Du grand funambulisme aussi. Jongleur de mots, dompteur de mythes, cracheur de fiel, Touzé cumule et culmine les rôles. Un indéniable penchant exhibitionniste, tendrement outrancier, insolemment impudique mais férocement séducteur.
Le bonhomme ne recule devant rien, se permet toutes les audaces, ne se refuse aucun luxe ostentatoire osant même dans un ultime pied de nez passer sans vergogne ad patres en scène, tel un nouveau Molière. Soupçonnons-le d’avoir été tenté de baptiser sa pièce « Le Dernier prétendant ». Mais il est trop malin pour tomber dans le piège de la boursouflure et l’ego bodybuildée, trop habile pour ne pas savoir se préserver de la tentation d’une outre mégalomaniaque. Son Credo subliminale pourrait être un Pater à « notre père Molière qui êtes aux cieux, inspirez-nous un peu quand même, mais restez-y encore longtemps et foutez nous la paix ». En artisan consciencieux sous des allures bravache il nous fait de la marquèterie quatre étoiles. Touzé prétendant certes, mais à sa propre succession. La suprême rouerie de cet incorrigible cabot ne consisterait-elle pas à se tourner lui-même en dérision ? Le rêve se conjugue jusqu’à se confondre à la réalité, se décline en tableautins à tiroirs, en chassés-croisés avec ses deux complices qui ne vont pas tarder à lui damer (damner ?) le pion. On assiste insensiblement mais sûrement à la montée en puissance de Fanny Caron et Saint Privat qui prennent inexorablement l’ascendant sur le Maître jusqu’à l’éclipser, tour à tour le ridiculiser, le soumettre et le démettre. Elle, d’abord débutante obéissante mais bientôt lionne carnassière et triomphante, lui tout autant serviteur dévoué mais déjà prêt à dépasser rapidement son mentor et tous deux unis pour le meilleur lorsqu’il s’agit de proprement dévorer celui à qui ils doivent (presque) tout. Mais la chute de notre piètre héros n’en est que plus émouvante.
Là se déjoue le drame sous le masque de la farce. Le lion superbe et orgueilleux semble accepter son sort en martyr heureux du destin qu’il a convoqué et qui le consume. La mort, théâtrale bien sûr, est son dernier triomphe. Le rire se surprend en grimaces. Un goût d’amertume loin de nous laisser sur notre fin. Longtemps après, les pièces de ce puzzle complexe et redoutable ne cessent de tourner sans trouver véritablement leur place. En apparence. Pourtant elles s’appellent, s’interpellent, correspondent et se confondent en plein accord, dans une parfaite intrication. Pour notre plus grand bonheur et c’est heureux.
Texte
DOMINIQUE TOUZÉ, Librement inspiré Des Éloquents de Alain Paris
Mise en scène
EMMANUEL CHANAL & DOMINIQUE TOUZÉ
Interprétation
FANNY CARON / SAINT-PRIVAT / DOMINIQUE TOUZÉ
Lumière
PHILIPPE LACOMBE
Création sonore
JULIEN LEMAIRE
Construction scènographique